De la présidente : Novembre 2017

Légende: Amanda en compagnie de Dr Dany Daham et Rania, l’assistante sociale

English

« Mesurer ceci… »

Une des difficultés de la profession de médecin de famille est de réconcilier différentes visions du monde. En ma qualité de médecin de famille, je suis souvent tiraillée entre mes propres croyances quant à ce qui pourrait être bon pour le patient et ce que le système ou les croyances du patient permettent. Au niveau de l’équipe et du service, il s’agit souvent d’être en mesure de rassembler suffisamment de gens pour discuter des problèmes majeurs, collecter des preuves pertinentes, s’engager à changer et réellement le faire: maintenir une équipe et s’assurer de la continuation des bonnes intentions. A l’échelle macro, il semble y avoir un nombre croissant d’acteurs désireux d’élaborer des mesures pour un service de qualité en soins de santé primaire -donc, de telles mesures devraient-elles être prises de la perspective du patient, des activités cliniques engagées, de la dynamique de l’équipe ou du progrès quant à l’innovation et à la qualité ? Mais n’y aurait-il pas de lacunes dans ces mesures?

Il se pourrait qu’elles ignorent le travail exceptionnel de certains médecins de famille et de leurs collègues dans leurs efforts véritables vers une approche communautaire pour l’amélioration des chances de santé et de vie, comme je l’ai vu lors de ma visite à la clinique Tahaddi de Beyrouth (Liban) en octobre.

La clinique Tahaddi avoisine l’un des principaux camps de réfugiés palestiniens et apporte ses services sanitaires à une population vivant essentiellement dans des bidonvilles. Plus de 65% de ces patients sont des réfugiés syriens et les 35 % restant sont des résidents libanais locaux. Ces derniers comprennent une proportion de familles « Dom », apparentées aux Roms d’Europe, qui sont les communautés les plus socialement marginalisées de la région. La Fondation fournit également des services sociaux : éducation préscolaire, alphabétisation, établissement d’un début de sources de revenus et d’employabilité grâce à des initiatives telles que des cours de couture. Le médecin généraliste que j’ai rencontré (Dr Dany Daham) est installé là depuis 14 ans. Lui et ses collègues sont, de toute évidence, à la fois engagés et passionnés en ce qui concerne l’importance de leur travail. Pour plus de détails, référez-vous à www.tahaddilebanon.org

J’ai eu la chance de visiter Tahaddi lors de ma participation à la réunion nationale de la Société libanaise de Médecine familiale où j’ai rencontré des amis et collègues du Conseil de WONCA-Méditerranée orientale. C’était une excellente réunion qui m’a permis de voir une situation plus stable au Liban en dépit des tensions de l’autre côté de la frontière syrienne et d’un nombre de réfugiés estimé à deux millions de personnes.

Puis j’ai assisté à la conférence de ma propre organisation en présence de nombreux amis de WONCA. Il y avait un excellent atelier sur la santé mentale animé par Chris Dowrick (président du groupe de travail sur la santé mentale), Maria van den Muisenburgh et Christos Lionis (respectivement présidente et membre du groupe d’intérêt spécial de WONCA sur la Santé internationale des migrants et sur la médecine de voyage). Les personnes déplacées dans le monde continuent d’être une cible de besoins et il nous faut apprendre comment prévenir l’augmentation de la détresse et comment maximiser la protection sanitaire.

J’écris ceci dans un aéroport bondé (six pays et huit voyages à l’étranger en deux mois -et ce n’est pas encore terminé...) sur le retour de la réunion de Dublin de European General Practice Research Network (EGPRN) qui avait pour thème central la recherche sur la santé mentale dans les services de soins primaire. J’apprécie grandement les témoignages produits par nos collègues universitaires et remarque la façon dont ils s’immiscent dans notre pratique (voir autres travaux récents par WWPMH). Je les remercie tous pour rassembler toutes ces preuves. Nous espérons organiser d’autres réunions pour les membres universitaires lors de nos conférences régionales et mondiales.

Ceci me ramène au thème récurrent de la mesure de l’efficacité des soins de santé primaire. J’ai été tout à la fois amusée et troublée par les contrastes extrêmes entre deux réunions -l’une à Paris (Organisation de coopération pour le développement économique) et l’autre à Washington DC (le troisième « Starfield Summit » dirigé par le Centre Robert Graham) auxquelles j’ai participé comme « spécialiste ». La réunion de Paris a consisté à réviser le choix des mesures, la production d’un minimum de données, le tout de haut niveau technique. La réunion des Etats-Unis s’intéressait à des questions plus générales « Que reconnait-on comme qualité en matière de soins primaires et comment peut-on le mesurer? » N’ayant pas encore reçu de rapport ni de l’une ni de l’autre de ces réunions, je n’ai pas de vision claire du chemin accompli. J’ai été perturbée par le fait que davantage d’énergie semblait avoir été consacrée à la mesure des soins de santé primaire plutôt qu’à l’établissement de services dans de nombreux pays. On peut défendre l’argument selon lequel mesurer permet d’identifier les écarts -mais il faudrait placer l’énergie dans la prestation de services et dans la mesure fondamentale des prestataires et de leur secteur de contribution. Comme la note politique du mois dernier par Bob Phillips le suggérait, « ... l’environnement dans lequel les patients reçoivent des soins de santé primaire - et l’environnement dans lequel la performance à un effet direct sur les coûts en aval- est cruellement sous-financé dans la plupart des pays en comparaison avec d’autres politiques de soins de santé. »

Ainsi continuent les désagréments -et la collecte de preuves. S’agissant de la collecte de preuves, nous avons aussi soumis des demandes de subventions pour mener des projets destinés à améliorer nos résultats et notre stratégie -un travail acharné, bien qu’alourdissant notre charge, qui en vaudra bien la peine si nous gagnons- et à mettre l’accent sur l’importance des travaux de recherche et de ceux qui peuvent les mener.

Alors que la saison obscure approche dans le nord et que la lumière enveloppe le sud, nous attendons les conférences régionales d’Asie du sud (Népal) et d’Asie Pacifique (Thaïlande) ainsi que notre prochaine réunion du comité mondial de WONCA et quelques autres réunions régionales en Amérique du nord (Canadian College, North American Primary Care Research Group à la suite de la réunion de septembre de l’American Academy).

Je me réjouis de rencontrer d’autres collègues, de partager notre sagesse et d’explorer de nouvelles questions et solutions. Comme toujours, merci pour les efforts de chacun. Comme je l’ai dit lors de l’un de mes (nombreux) discours liminaires - « Souvenez-vous qu’il y a de très nombreux médecins généralistes dans le monde qui travaillent pour un même but. Que ceci soit notre force pour la réussite de nos carrières. Qui sait où cela va vous mener! »

Amanda Howe
Présidente de WONCA

Traduit par Josette Liebeck
Traductrice professionnelle anglais-français
Accréditation NAATI No 75800